Aménagement d’un bassin versant et restauration de ses écosystèmes
L’hydromorphologie se réfère aux capacités d’un cours d’eau à ajuster son lit en fonction de la puissance de ses écoulements et des matériaux sédimentaires qu’il charrie. La dynamique hydromorphologique est à la base de la formation des habitats dans un cours d’eau. Sur un cours d’eau naturel, cette dynamique tend vers un équilibre par l’alternance de mécanismes d’érosion et de dépôt. Autrement dit, une rivière dynamique et « vivante » fait et défait le paysage autour d’elle, en permanence.
Depuis les années 1980, l’abandon progressif de l’usage de la force hydraulique sur la rivière, l’arrêt de certaines activités industrielles et l’exode rural, ont marqué la fin des grandes opérations d’aménagement sur la rivière. Compte tenu des conditions climatiques actuelles et des enjeux de préservation des milieux naturels et d’érosion de la biodiversité, les Agences de l’Eau, ont fixé des objectifs de reconquête de la qualité hydromorphologique des masses d’eau listées dans la DCE.
Entre 2011 et 2013, le SIARCE a ainsi réalisé une étude globale, à l’échelle de son territoire, dans le but d’établir un état des lieux cohérent au regard de l’équilibre hydromorphologique de la rivière Essonne. Le diagnostic de l’étude a démontré que l’axe principal de la vallée, la rivière Essonne, est un cours d’eau très artificialisé. Il a fait l’objet au cours des siècles depuis le Haut Moyen Âge de nombreux aménagements : linéarisation, surcreusement, curages d’ampleur, calibration et détournement du lit, stabilisation des berges, rectification, création de bras perchés, dérivations, suppression des méandres, pour le développement de nombreuses activités (minoteries, louchers pour la tourbe, papeteries…). Également, la présence de nombreux ouvrages de retenue (seuils, vannages…), notamment, a créé un étagement en biefs artificiels sur le bassin, et a contraint pendant des centaines d’années, le niveau d’eau des biefs à être constant, quelle que soit la météorologie. Par ailleurs, les programmes d’entretien systématiques, notamment le faucardage de tous les herbiers aquatiques ainsi que le retrait systématique des embâcles, perturbent la cicatrisation de la rivière et appauvrissent le milieu. La rivière étant naturellement de faible puissance, il arrive qu’elle ait des difficultés à se redessiner lorsqu’elle a subi des modifications trop importantes.
Cela s’est traduit à long terme, par un certain nombre de dysfonctionnements : homogénéisation des fonds, envasement, cloisonnement des tronçons, absence de sollicitation du lit majeur en situation de hautes eaux. Le milieu est particulièrement modifié, ce qui implique qu’il est parfois difficile sur certains secteurs de définir un état naturel de référence. La biodiversité, ainsi que les écosystèmes, qui dépendent en grande partie du fonctionnement de la rivière, se sont simplifiés et appauvris au fil des années. Les aménagements artificiels et anthropiques, ont éloigné le cours d’eau de son profil d’équilibre hydromorphologique.
Evolution de la basse vallée de l’Essonne au Quaternaire (CD 91, 2005)
L’étude réalisée a proposé un programme d’actions, en prévoyant des scénarii de renaturation. La renaturation s’entend comme la restauration de la dynamique hydromorphologique et le rétablissement des continuités écologiques. Les continuités écologiques correspondent aux connections entre les habitats et à leur accessibilité à un territoire donné, pour une espèce, un groupe d’espèce ou l’ensemble des êtres vivants de l’écosystème considéré. L’objectif recherché est un équilibre des activités et usages anthropiques, compatibles avec la préservation des écosystèmes. Les continuités écologiques sont amenées à évoluer en permanence, de la même manière que les activités humaines, les espèces s’adaptent à leur environnement, dans la mesure du possible.
Parmi les scénarii, il a été envisagé plusieurs techniques de renaturation : la suppression des équipements sur une majorité de sites hydrauliques et, le cas échéant, de remettre totalement ou partiellement la rivière dans son lit d’origine lorsqu’elle a été dérivée, voire l’ouverture de certains ouvrages. Il a également été proposé sur certains affluents, la reconstitution du matelas alluvial par l’injection de matériaux silico-calcaire sélectionnés et mélangés, et des actions de réméandrage. La mise en œuvre de cette technique a pour but d’atteindre un bon compromis entre souplesse et stabilité du lit, et d’offrir également un type de substrat optimal pour la reproduction de certains poissons.
La réglementation française a précisé ses exigences en matière de renaturation des cours d’eau. La première loi imposant des obligations pour la libre circulation des poissons migrateurs date de 1865. La Loi sur l’eau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 décembre 2006 a rénové les critères de classement des cours d’eau en les adaptant aux exigences de la DCE. Les arrêtés de classement des cours d’eau en liste 1 et 2 au titre de l’article L.214‑17 du Code de l’environnement ont été adoptés le 4 décembre 2012. Ces arrêtés visent la restauration de la continuité écologique (piscicole et sédimentaire). La liste 1, vise la non-dégradation de la continuité écologique, par l’interdiction de création de nouveaux obstacles à la continuité, et la liste 2, qui vise la restauration de la continuité écologique, par l’obligation de restaurer la circulation des poissons migrateurs et le transport suffisant des sédiments, dans un délai de 5 ans après l’arrêté de classement. Ce délai peut faire l’objet d’une prolongation, sous certaines conditions.
La rivière Essonne sur le territoire du SIARCE est classée en Liste 2. Parmi l’ensemble des ouvrages hydrauliques présents, au total, 9 ouvrages ont été classés en liste prioritaire en 2012 sur le bassin Essonne aval, sur un tronçon central allant de l’amont immédiat du barrage Trousseau (inclus) à l’amont immédiat du moulin de Saussay (exclus). Les 9 ouvrages sont situés sur les secteurs désignés comme prioritaires pour la restauration de la continuité, à savoir sur la Haute et Moyenne vallée de l’Essonne. Ce secteur constitue un très fort potentiel de cicatrisation hydromorphologique et des configurations de sites hydrauliques permettant d’envisager des scénarios de renaturation optimaux (suppression des chutes d’eau artificielles, suppression des seuils, voire le cas échéant réhabilitation du fond de vallée) :
- Barrage Trousseau
- Moulin de Saint Eloi
- Moulin de la Ville
- Moulin Neuf
- Moulin de la Grande Roue
- Moulin de Boutigny
- Moulin du Gué
- Moulin de Baulne
- Ecluse d’Aubin
Constatant la difficulté de nombreux porteurs de projets à mettre en œuvre les actions de renaturation consistant à rétablir des continuités écologiques, le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire a émis le la circulaire du 30 avril 2019 relative à la mise en œuvre du « plan d’action pour une politique apaisée de restauration de la continuité écologique des cours d’eau ». Elle demande de focaliser les moyens administratifs, financiers et humains sur des ouvrages prioritaires définis grâce à l’expertise locale des DDT, de l’OFB, des DREAL, des directions territoriales de l’AESN et des collectivités, en associant l’ensemble des acteurs de manière adaptée et réaliste. À cet effet, le bassin Seine-Normandie a piloté en 2019-2020 l’élaboration de la liste des ouvrages prioritaires « apaisée » sur l’ensemble de son territoire. La révision de la liste dans le cadre de la continuité écologique « apaisée » publiée en février 2021, classe ainsi 4 ouvrages ont été classés en liste prioritaire en 2021 sur le bassin Essonne aval. Ces ouvrages doivent être traités en priorité d’ici à 2027.
- Barrage Trousseau (communes de Buno-Bonnevaux et Gironville-sur-Essonne),
- Moulin Saint-Eloi (commune de Maisse),
- Moulin de la Grande Roue (communes de Boutigny-sur-Essonne et Courdimanche-sur-Essonne),
- Moulin du Gué (communes de Baulne, Cerny, Itteville et La Ferté-Alais).
La Haute Vallée de l’Essonne est un secteur particulier du territoire, à plusieurs égards. Tout d’abord, il concentre de très nombreux enjeux écologiques, tant du point de vue des habitats naturels que des espèces patrimoniales. A titre d’exemple, on y recense la dernière station connue en Ile-de-France d’Utriculaire (une plante aquatique carnivore) et une des deux dernières stations connues d’écrevisse à patte blanche du bassin versant (espèce menacée à l’échelle du territoire national). Par ailleurs sur le plan hydromorphologique, si la rivière n’a pas échappé à l’artificialisation (dérivation pour alimenter des bras usinier, travaux de curage), plusieurs tronçons présentent des caractéristiques proches d’un état intègre, soit parce qu’ils ont échappé aux aménagements, soit parce qu’ils ont eu la possibilité de se réajuster avec le temps. Ainsi plusieurs tronçons peuvent être pris comme référence en termes d’objectifs de renaturation. C’est le cas par exemple de la noue des Quinselons (fond de vallée au niveau du bief du moulin Beaudon, commune de Boulancourt) ou du bras « sauvage » d’Argeville (fond de vallée au niveau du bief du moulin d’Argeville, communes de Boigneville et Nanteau-sur-Essonne).
- Actions d’ouverture d’ouvrages hydrauliques : actuellement sur la rivière Essonne, trois ouvrages sont ouverts (barrage Trousseau, moulins de la Grande Roue et de Boutigny) pour un total de linéaire redevenu courant d’environ 4 km. A court termes, d’autres ouvrages pourraient être ouverts : moulin Neuf (commune de Maisse), moulin Roijeau (commune de Buno-Bonnevaux).
De grandes améliorations ont été constatées dans les premières actions menées par le SIARCE, et notamment que la dynamique de cicatrisation porte ses fruits dès la première année : une nette amélioration des paramètres biologiques est observable, nette amélioration des conditions d’habitabilité de la rivière, présence de la truite fario détectée par des analyses d’ADN environnemental (bief du moulin du Gué), retour d’éphémères heptageneidae jamais observé sur 20 ans de suivi macroinvertébrés dans toute la vallée (bief du moulin de Boutigny), retour de l’oenanthe des rivières, plante hydrophyte présumée disparue et en cours de recolonisation (biefs du moulin du Gué et du moulin de Boutigny), déploiement de vastes massifs de renoncule aquatique, absente des relevés et réapparue (bief du barrage Trousseau)…
- Travaux de restauration hydromorphologique : effacement d’ouvrages hydrauliques, aménagement de bras de contournement, recharge en matelas alluvial, réméandrages, diversification d’écoulements, confortement de berges et revégétalisation…
En parallèle, la densification de l’urbanisation, l’augmentation de la pression humaine sur les milieux naturels a contribué à la disparition ou l’érosion de la biodiversité, de zones humides et a significativement modifié la morphologie des fossés. Elle a renforcé la nécessité de protéger les milieux à forts potentiels écologiques et à restaurer ceux ayant encore une possibilité de l’offrir. On compte au total plus de 80 ha de zones humides dont le SIARCE se porte gestionnaire au quotidien, dont environ 45 ha dont il est propriétaire foncier. Les zones humides dont le SIARCE est propriétaire se situent sur les communes de La-Ferté-Alais, Ballancourt-sur-Essonne et Maisse. Un
En 2023, le siarce a lancé un Schéma Directeur de Préservation des Zones Humides. Ce schéma directeur aura pour objectif :
- Prélocalisation des zones humides potentielles
- Définition des espaces à retenir par hiérarchisation
- Inventaires sur le terrain : identification et délimitation des zones humides et enjeux écologiques
- Définition d’une stratégie foncière de préservation des zones humides
- Restaurer, gérer, préserver et valoriser les zones humides (programmation de la restauration et de la gestion, intégration et préservation dans l’aménagement du territoire, sensibilisation)
Les zones humides remplissent 3 grandes fonctions principales qui répondent à des services écosystémiques de support, de régulation, de production ou encore culturels :
- Fonction hydrologique : soutien d’étiage, écrêtement des crues, alimentation des nappes phréatiques, qui contribuent à des services de régulation : lutte contre la sécheresse, prévention des inondations, recharge en eau potable…
- Fonction biogéochimique : développement du cycle du carbone, de l’azote, du phosphore, qui contribuent à des services de régulation : épuration de l’eau, stockage de pollutions, régulation de la température…
- Fonction biologique : habitat, réservoir de biodiversité et corridor écologique, qui contribuent à des services de régulation : vie faunistique et floristique, pêche, éducation à l’environnement, tourisme…
Les zones humides présentes sur le territoire du SIARCE et dont il assure la gestion sont d’importants réservoirs de biodiversité. Les inventaires réalisés ces 10 dernières années sur ces zones humides, permettent de comptabiliser : plus de 280 espèces végétales, 34 espèces de poissons, 31 espèces de mollusques/crustacés, 112 espèces d’odonates/ lepidoptères/ coléoptères…, 28 espèces de mammifères, 14 espèces de reptiles, 83 espèces d’oiseaux. Ces différentes espèces présentent des enjeux de conservation pouvant aller de faible à fort.
Le SIARCE déploie des plans de gestion pluriannuels sur l’ensemble de ces zones humides afin de maintenir les milieux ouverts, notamment via la mise en œuvre d’actions d’entretien, d’actions de restauration et d’actions de suivi.
- Actions d’entretien : amélioration des milieux de transition via la création de lisières, maintien de milieux ouverts via l’abattage de peupleraies et la mise en œuvre de l’écopaturage, amélioration de l’habitabilité via la création de caches, zones de nichage, de refuge…
Des actions d’entretien courant sont réalisées annuellement sur la zone humide de Lardy au titre de mesures de compensation pour la construction d’une nouvelle STEP sur la commune. Ces actions sont réalisées en régie et en cas de besoin via un prestataire habilité aux techniques d’entretien en milieu naturel. La zone humide du Marais de rivière à Maisse ainsi que la zone humide du Château de Malesherbes font l’objet d’actions similaires et notamment d’exploitation forestière en cours. L’éco pâturage sera également étudié sur plusieurs sites.
- Actions de restauration des fonctionnalités des milieux : création de mares, plantations d’hélophytes et de prairies humides, décaissements, inversion des horizons pour la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, reméandrages… Des travaux importants de nettoyage sont réalisés en amont, les zones humides étant souvent d’anciens sites pollués ou occupés illégalement.
Des travaux de nettoyage de la zone humide du Cirque de l’Essonne ont démarré en 2020 et se sont terminés début 2021. Ces travaux ont consisté au ramassage des déchets, leur excavation des puits, et leur tri sur une plateforme sécurisée, puis leur évacuation en centre de tri agréé. Ils constituent le préalable aux travaux de restauration de la zone humide à proprement parler.
- Actions de suivi de l’évolution des milieux : suivi piézométrique mensuel des niveaux de la nappe, inventaires faune/flore via des campagnes pluriannuelles, en particulier centrées sur les odonates, amphibiens et flore endémique des milieux humides, suivi pédologique décennal.
Des dispositifs de suivi sont développés sur l’ensemble des zones humides dont le SIARCE est gestionnaire et ont vocation à être systématisés et renforcés dans les années à venir. L’objectif étant de pouvoir bénéficier de bio-indicateurs capables de mesurer l’évolution des milieux naturels.
- Travaux en cours : Restauration Zone Humide du Cirque de l’Essonne, Restauration Zone Humide du Château de Malesherbes, Restauration Zone Humide du Marais de Rivière, Restauration Continuité écologique Moulin de Saint-Eloi, Restauration Continuité écologique Moulin de la Papeterie (travaux d’aménagement), Réouverture du Ru de Ballancourt, Aménagement Ru du Ponteau
- Travaux passés/suivis : Ouverture du Moulin de la Grande Roue (2016), ouverture du Barrage Trousseau, ouverture Moulin de Boutigny (2018), Renaturation Ru de Montmirault, Ru de Cerny, Ru de Boigny, Ru de Ballancourt